Il était mon musée, mon musée de l’Amour.
Il créait dans ses mains, souvent mélancoliques,
La douceur du soleil quand se lève le jour.
Des filles venaient le voir et gloussaient dans ses bras,
Lui qui les envoûtait de ses clins d’oeil magiques
Couplés de longs mots tendres qu’il prononçait bas.
Sur ma chaise ajustée par deux ou trois coussins
Ma mine le grondait aux rires des passants,
Mes lèvres en grimace signifiant : “Et Maman ?
Pourquoi tu l’as laissé ?”, décriant leur larcin.
J’étais petite fille; j’étais son grand trésor,
Je valais tout pour lui, coeur tendre qu’on ignore.
Il m'aimait viscéral et il voyait -peut-être-
Dans les chairs de ces autres, ma maman renaître.
Je rêvais son départ tant je le haïssais
Quand sur sa couche, tard, l’une d’elles crissait.
L’effroi me pénétrait et, sans mordre à l’appât,
Je retenais un vain “Rendez-moi mon Papa !”
Et le temps m’a grandie, je lui en ai voulu;
La Pardon ne mord pas au passé révolu.
Qui étais-je en ce temps ? La porte du Malheur,
De la faim violente et la rancoeur qui pleure.
Et mon Papa est mort à son tour un matin.
Dans toutes mes prières et mes rêves d’été,
Maman, toujours partie, ne chantait que Chagrin.
La leçon que j’en tire, conclusion pressante :
“Sans attendre ou juger, pardonne avec piété;
En Amour, l’Indulgence doit être l’Intendante.”