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Confinement - Jour 41 - Extrait

Paris, France, 2020.

Confinement - Jour 41 officiel, Jour 43 en réel, crise du Coronavirus -

Extrait d'un énième journal, de l'intime, donc.


" (...)


D’humeur été, je suis depuis une bonne heure sur le petit-balcon à essayer de travailler. J’ai apposé mon casque rouge sur mes tympans malades après avoir enduré vaillamment les cris et pleurs du petit “ Bastiennnnnn ! ” de la cour, qui tombe de son mini-tricycle plus qu’il ne roule dessus. Et cela oreilles nues pendant plus de vingt minutes. Sauvez-moi, chères mélodies ! Seulement voilà, je ne parviens pas à me décider pour le style de musique qu’il me faut. Toutes les pistes ont l’air de me déconcentrer. Je n’ai pas les nerfs à la playlist relaxante qui accompagne de coutume mon écriture, je sens le sommeil trop aux aguets ce matin-midi-on-ne-sait-plus. Alors, j’opte pour de la musique Folk. Mais les notes ensoleillées ne permettent pas à mon esprit de s’ancrer, ni le groove des guitares. Est-ce que la pop me dynamisera ? Éventuellement ? J’essaie, et... pas du tout ; pas du tout !

Il s’avère que depuis que j’en comprends les paroles, les musiques de hits en anglais ne peuvent plus être pour moi fond sonore ; elles me fascinent, m'irritent ou me font hausser les yeux au ciel, selon les airs. Et selon les inepties répétitives qui s'y racontent.

Ah.

La chanson française est proscrite parce que ses mots annihilent la naissance sans contrainte des miens, et les accents cuivrés et enfumés du Jazz m’inspirent moultes danses des doigts peu gouvernables sur le clavier, ce qui n’aide pas à la discipline d’écriture. Bon.

Ah ! Une musique de film ! Généralement, cela fonctionne. Mais voilà que je suis d’humeur mélancolique et n’importe laquelle me fait enrager de ne pouvoir sortir, aller au cinéma et tourner les courts-métrages qui dorment dans mes tiroirs – ou mes dossiers d'ordinateur.

Quand Wicked games de Ramin Djawadi se met à me faire pleurer, ses violons de sortie, je coupe. Je retourne aux bruits ménagers de la cour.

Fait étonnant, au moment où je pose le casque rouge sur le sol gris, une vieille dame du bâtiment B2 s’affaire bruyamment depuis son balcon du quatrième étage : elle projette d’envoyer un porte-monnaie à sa compagne ou amie qui est en bas, clairement missionnée pour les courses.

Le poétique de la chose c’est que, pour éviter que la chute ne soit trop brutale depuis ses hauteurs, elle a pris soin avant de lâcher son butin de l’envelopper dans un long drap blanc sali recroquevillé en deux, ce qui lui a fait comme un parachute, à l’envers. Et ça fonctionne. Le porte-monnaie tombe en semi-douceur, la dame du béton terrestre plie le dos avec lenteur pour le ramasser et fait un signe de la main en guise de remerciement. S’ajoute à ce surréalisme qu’il cogne vingt-trois degrés au soleil et que l’amie du bas porte manteau noir en laine, écharpe et pantalon à mailles, tandis que la Juliette décatie du balcon parisien est en légère nuisette translucide et courte. Ah.


(...)


Et voilà qu’il grêle.

J’ai mis des standards de Miles Davis, et au delà des trompettes, le ciel gronde, et voilà qu’il grêle. Un Lundi 27 avril. A Paris ; n’importe quoi.

Je suis en petit short et haut de maillot de bain dans mon salon, je grelotte, j’ai froid. Et je suis dos à la fenêtre, là, pour une fois. Allez savoir pourquoi.

Je mets mon gilet jaune, qui ne fera soleil sur rien, mais illusion de chaleur néanmoins.

Bon.

Aëlle court frénétiquement autour du canapé, les pupilles dilatées, l’air éberlué. Flaubert, lui s’est recroquevillé sur le bois de la table à manger.

Qu’est-ce-que c’est encore que ça ?

Il pisse de lourdes larmes du ciel. Ca pleure, ou alors ça nettoie. Au choix.


Bon. L’ambiance est à l’orage, les frissons baignent les chairs de poule.

(...)"


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